Ce roman n’a rien à voir avec L’embuscade qui fût pour moi un énorme coup de coeur. Il se peut que certains lecteurs puissent attendre beaucoup de ce nouveau roman, même un peu trop, et soient déçus, ce qui n’est absolument pas mon cas.

Deux ouvrages totalement différents avec néanmoins un point commun flagrant : tous deux retracent le combat d’une femme, d’une mère.

Sarah, maman d’un petit garçon et épouse comblée décide avec le soutien de son mari de s’octroyer une année sabbatique afin de se lancer dans l’écriture d’un roman. Elle quitte son poste dans les ressources humaines d’une grosse entreprise non sans un petit pincement au coeur, mais enjouée de pouvoir se lancer dans ce projet auquel elle songe depuis longtemps. Alors qu’elle devrait se sentir épanouie, elle commence à perdre pied. À mesure qu’elle se sent sombrer, elle analyse sa condition de femme, d’épouse, de mère. Que lui arrive -t-il ? Pourquoi ce changement soudain ? Même physiquement, elle se métamorphose ! 

L’autrice retranscrit parfaitement l’ambivalence des sentiments. L’amour flirte avec la haine. Sarah adore son mari et son enfant, pourtant elle les déteste de l’enfermer dans son rôle de mère. Elle ne trouve pas sa place dans leur duo complice et se sent incomprise, enclavée malgré elle dans l’amour maternel, comme prise au piège. 

« J’étais devenue en une nuit, résidente permanente du pays du sacrifice et de l’abnégation »

Sarah s’épuise, perd de sa substance, lutte, mais elle n’est plus que l’ombre de celle qu’elle était. Elle souffre physiquement aussi. Et puis il y a tout ce sang qui revient ponctuellement, qui intrigue et interpelle le lecteur. Sarah est spectatrice consciente de sa métamorphose, mais incapable d’inverser le cours des choses. Elle n’est plus qu’une femme égarée qui navigue dans le brouillard, jusqu’à se demander si elle ne perd pas la boule, et nous avec elle.

« Ma vie défile sans que j’y prenne part »

Quant à la fin, elle est hallucinante. Vraiment, je ne m’attendais pas à un tel dénouement !

La plume d’Emilie Guillaumin est émouvante, puissante, précise. La justesse des mots, le choix des adjectifs est tellement percutant qu’elle chahute son lecteur à coup d’odeurs écoeurantes, d’images saisissantes, d’hémoglobine dérangeante.

Je vous garantis que plus jamais je ne verrai un plateau de fruits de mer de la même manière !  

J’ai adoré cette lecture qui parlera probablement davantage aux mères.

Comment tout conjuguer ? Femme, épouse, mère, et même parfois business woman invétérée, tout cela sans se perdre en chemin ? Sans s’oublier au détriment de ceux qui nous sont les plus chers ? Comme un sacrifice ou un supplice, l’amour maternel peut prendre des allures de cage dorée. 

Un roman noir, profond et singulier, touchant et déstabilisant à la fois. Emilie Guillaumin est une autrice à lire et à suivre sans l’ombre d’un doute.

Petites dents, grands crocs
  • Guillaumin, Emilie (Author)

📚 Résumé :

Sarah Barry, épouse et mère en apparence comblée, a quitté les RH d’une grande entreprise pour s’accorder une année d’écriture. Mais alors qu’elle dispose enfin du temps nécessaire, le piège de la domesticité semble se refermer sur elle.

Cela commence par une fatigue inhabituelle, des chutes de cheveux, et puis il y a ces maux de tête lancinants.

Quand il n’est pas en voyage d’affaires, son mari la couve, la chahute, la questionne. Entraînant leur fils dans ce manège qui ne tourne plus très rond. À moins que ce ne soit elle qui fantasme ?

Dans une langue et un rythme envoûtants, sorte de ritournelle noire où les vampires prennent les atours de la tendresse, Émilie Guillaumin offre avec ce troisième livre un regard sans concession sur le couple et la maternité.

Dernière mise à jour le 2024-07-26 / Liens affiliés / Images de l'API Amazon Partenaires

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